jeudi 3 mai 2012

Lyon - Lens : 10 ans !

Il est ennuyeux de constater lors des anniversaires comme le temps a fini par passer, comme les sentiments se sont émoussés et comme tant de gens ont passé leur chemin ou sont passés à autre chose. Il est ennuyeux en tant que Lyonnais de constater que la nostalgie guette comme elle a fini par emporter dans un gâtisme sans fin le voisin verdâtre. Mon père me citait René Char (une citation que jamais je n'ai trouvée en fait) qui disait à propos d'un sujet autrement plus sérieux qu'il convenait "d'être de l'élan mais pas du banquet", et croyez-moi l'élan y était ce soir-là... 

Moment bizarre et saison étrange : l'OL avait laissé filer le vilain RC Lens assez vite mais avait fini par grignoter son retard tantôt avec un peu de réussite (un nul de Lens à domicile contre Metz dans les derniers matches), tantôt avec de grands matches, comme à Auxerre, ou à Bordeaux une semaine avant. Des matches sans grand génie mais avec la volonté d'une équipe assise sur les valeurs de sérieux et de camaraderie d'une bande un peu réac' (Violeau, Delmotte, Laville, Linarès, Coupet, Bréchet, Chanelet, Deflandre, Caçapa) de laquelle fusait des étincelles de talent brut (Govou), poli et fin (Anderson), cristallin (Carrière), parfois fou (Edmilson), et en devenir (Juninho)... d'écrasantes victoires 1-0 qui pesaient fort sur l'accélérateur du bolide nous menant à la fin de saison et à un dénouement trop invraisemblable pour paraître plausible : la dernière journée se jouait à Gerland contre Lens, jusque là premier du championnat. 

Ce 4 mai-là, la journée avait été pluvieuse et on bossait depuis plusieurs jours déjà au tifo du Virage Sud, Lugdu et Nucleo. La ville frissonnait, les places étaient introuvables. La journée s'entortillait dans mon estomac, me nouait les boyaux et le temps ne passait pas. Qu'importait alors la Coupe de la Ligue de la saison précédente et le retour à un trophée 28 ans après la dernière Coupe de France, qu'importait la construction d'une des plus belles équipes jamais vues en France, j'avais la trouille de ne pas voir l'OL saisir sa chance et de retomber dans une spirale de défaite que les supporters -toujours crédules et vulnérables en pareils moments- appellent trop facilement une malédiction. J'en avais assez de m'entendre rappeler notre palmarès alors famélique, assez de jalouser les victoires en Coupe de la Ligue de Strasbourg comme en 1997, assez de voir des Lens passer en comète en 1998 ou de voir Monaco ramasser des étrangers prestigieux exonérés d'impôts quand nos belles générations partaient trop vite se brûler les ailes à Paris. Ce 4 mai 2002, j'avais dans l'estomac plus d'une décennie de frustrations alourdie d'un doute affreux : Et si nous laissions passer notre chance ? 

Quand je revois les images de Gerland de l'époque, je me souviens de cet élan qui animait aussi les tribunes avec moins de folklore et cent fois plus de spontanéité et d'illusions. Les groupes n'avaient alors pas encore été contraints de verser dans un dialogue millimétré avec les autorités et le club et ne subissaient pas à l'époque un marquage aussi serré de la part de ceux-ci. Si je me souviens bien, et je ne suis pas sûr de ce que j'avance car je pris ce jour-là les choses trop à coeur, je crois que le virage fut bordélique à souhait, blindé comme jamais, s'agitant de drôles de convulsions dans une atmosphère pourrie, humide et fraîche, en un mot chaotique au sens propre du terme... je crois bien avoir pesté contre la difficulté de se coordonner avec les Lugdus, je suis sûr d'avoir pourri tous ceux qui ce soir-là aussi, en ouvrant des yeux aussi ronds que leur bouche, bée, n'étaient à mon sens pas à la hauteur de l'évènement. Il traîne quelque part une VHS (oui oui... une VHS !) des Lugdunum's où le spectacle du Virage en deuxième mi-temps a quelque chose d'inquiétant... Les blocs centraux bougeaient dans tous les sens, les torches se succédaient dans l'humidité ambiante, les chandelles romaines filaient sur le toit ou sur les Lensois. C'était poisseux et sauvage, complètement incontrôlé. En un mot, c'était magnifique !

Le match s'était débloqué assez vite grâce à Govou et la surnaturelle reprise de volée de Philippe Violeau puis avait basculé dans une crainte bizarre quand Bak avait réduit la marque... La deuxième mi-temps avait soldé les espoirs Lensois avec ce lob improbable de Laigle sur Warmuz grâce à Wallemme (passe de Juni qui réalise deux crochets magnifiques). A ce niveau de concours de circonstances, il était clair que rien ne pouvait plus arriver. Clair sauf dans mon esprit évidemment... et ce temps qui ne filait pas ! Quand le match fut fini, quand l'OL fut enfin champion, je me souviens d'une brusque rechute de toute cette tension accumulée des jours durant, je me souviens avoir été un peu perdu dans la façon de fêter "ça". Et puis il y eut cet envahissement de terrain lui aussi complètement bordélique, les copains restés au Nord qu'on retrouvait dans le rond central, les morceaux de pelouse arrachés une vraie joie, pas une cérémonie de commémoration de la joie officielle du x-ième titre, encadrée et formatée par l'OL comme ce fut trop vite le cas dans les années qui suivirent. 
Après l'élan, il y eut le banquet sur la place des Terreaux et un épuisement total dû au relâchement : même pas la force de prendre une cuite. 

Le lendemain, la France entière s'unissait à nouveau pour faire passer Chirac face à Le Pen avec autant de décision et de foi avec lesquels elle aurait souhaité faire passer Lens la veille (le fameux "mérite", concept le plus con qui soit en football). Je me souviens que ce 5 mai 2002, j'ai voté "Sidney Govou". 

Illustrations : la place des Terreaux et un long résumé de la soirée... 

La belle ligne droite de la connerie

Imaginez le 100 mètres aux JO, à St Etienne l'épreuve phare de l'olympiade ligérienne, c'est la course à l'indignation, le sprint à la connerie. Depuis 3 jours les records tombent sans que l'on sache même si le triste petit peuple gaga y trouve à s'en réjouir... Sur la ligne du départ s'alignent pêle-mêle Jérémie Janot, les présidents de l'ASSE, certains élus du 42, Collomb le maire de Lyon ou encore le propre petit-fils de Geoffroy Guichard. Il m'est permis de croire que l'on tient là un véritable Panthéon, un genre de "Hall of Fame" ni plus ni moins. Dans notre société, se poser en victime confère un écho formidable à tout propos dont l'auteur s'estime diffamé, bafoué ou menacé, y compris pour toute prose dont l'insondable médiocrité aurait dû confiner au silence. 
Une fois n'est pas coutume c'est l'OL qui a eu le meilleur mot dans l'histoire en pondant un communiqué dont l'ironie était aussi peu habituelle de leur part que la correction de la langue dans laquelle il fut écrit. Indignation de nouveau, l'humour ne paie plus... C'est dommage, on a besoin de thunes ! 
On imagine les politiciens stéphanois compter les points de base de scrutin qu'une prise de position bien sentie pourrait leur faire gagner lors des prochaines échéances électorales. "Ils se poussent du coeur pour être le plus triste, ils se poussent du bras, pour être le premier" (J. Brel - Le Tango Funèbre). 
On imagine les dirigeants stéphanois s'acheter une virginité en prévision d'une (nouvelle) saison blanche notamment ponctuée par 3 défaites en autant de derbies.
On s'afflige enfin de la bien-pensance qui saisit la plume de Gérard Collomb au moment de "s'associer aux excuses" de JMA en soulignant opportunément qu'il était dans les salons de la mairie au moment des faits. La ligne droite de la connerie, ponctuée par le bal des faux-culs !

A noter l'excellent(issim)e banderole des BG hier contre VA : "Soutien aux chanteurs Lyonnais"

Pour mémoire les différentes déclarations des uns et des autres, à commencer par le communiqué de l'OL le 1er Mai (à noter la délicieuse oxymore qui ouvre le deuxième paragraphe) :


L’Olympique Lyonnais prend connaissance, avec peine, de la réaction du Président de l’AS SAINT-ETIENNE à la suite de la reprise dimanche, pendant quelques instants et par quelques joueurs, d’un couplet de supporters que l’O.L. n’a naturellement pas inspiré, pas plus que l’O.L. n’a écrit la moindre ligne de ce couplet.

Si un ami stéphanois a pu se trouver blessé par cette malencontreuse initiative, l’Olympique Lyonnais tient à lui exprimer ses sincères regrets.

L’O.L. se permet toutefois de rappeler que si la colère provoque parfois de vrais dérapages incontrôlés – les dirigeants de Saint Etienne le savent – la joie elle-même de la victoire peut inspirer un enthousiasme excessif. Qui mieux qu’un stéphanois ayant vécu un passé glorieux, fêté sans considération pour le voisin lyonnais alors en souffrance sportive, peut le comprendre. Et qui mieux qu’un joueur qui en entend souvent sur le terrain des vertes et des pas mûres peut apprécier une licence exceptionnelle provoquée par la conquête d’un nouveau titre au milieu de la liesse populaire.
Qu’il soit permis à l’Olympique Lyonnais de dire encore, dans le cadre de ses relations avec son voisin, que l’O.L. se réjouit toujours que sa région compte deux clubs reconnus en Europe et qu’aucun de ses joueurs n’a eu le désir ou l’intention de porter atteinte à cette image et à cette réalité.
Enfin, en ces temps d’élection présidentielle, nous ne sommes pas certains que les traits les plus vifs, les moqueries les plus hasardeuses, ou les mises en cause personnelles soient plus fréquentes et plus rudes en football qu’en politique !


Un florilège des réactions et des commentaires glanés dans les pages du "Progrès" en ligne : 


(...) Hier, Gérard Collomb est allé plus loin que l’OL. Le maire de Lyon – le chant a été repris depuis le balcon de l’Hôtel de ville – a, dans un communiqué, déploré « un incident regrettable. Jean-Michel Aulas, qui comme moi était, à ce moment-là, dans les salons de l’Hôtel de ville, a présenté les excuses du club. Je tiens à m’y associer. Et je le fais avec d’autant plus de conviction que nous sommes en train, aujourd’hui de créer un pôle métropolitain avec Saint-Etienne et que la coopération entre Lyon et Saint-Etienne va s’intensifier dans les prochaines années ».

Côté stéphanois, le maire Maurice Vincent avait stigmatisé dès mardi soir sur son compte Twitter « des propos gratuits et lamentables, incompatibles avec les valeurs portées par le sport. Ces joueurs étant des professionnels fortement médiatisés, ils doivent être sanctionnés. Chacun doit avoir à cœur de favoriser un climat de respect et de convivialité dans et autour des terrains de football, en pensant à l’exemple donné chaque semaine à des milliers de jeunes pratiquants ».

Gilles Artigues, vice-président du conseil général de la Loire estime que « cette querelle entre Lyon et Saint-Etienne n’a pas de sens et n’a que trop durer. L’entretenir de cette manière est stupide. La réaction des dirigeants lyonnais est également fort choquante tant on sent ironiques et insincères leurs excuses.»

Quant à Paul Salen, premier vice-président du conseil général de la Loire et député de la Loire, il a adressé directement une lettre à Jean-Michel Aulas. « Il me semble que le premier devoir d’un dirigeant d’un club sportif professionnel est de maintenir un climat apaisé autour des manifestations sportives, en minimisant ces dérives vous manquez à votre mission ».

****

(...) Aujourd'hui, c'est au titre d'arrière petit-fils de Geoffroy Guichard, que Xavier Kemlin a décidé de porter plainte contre chacun des huit joueurs qui ont entonné le chant insultant intitulé « Geoffroy Guichard pays des bâtards ». « On ne peut pas, devant une foule, faire des appels à la haine. Ce genre de propos est inacceptable » argumente son avocat stéphanois, maître Buffard, qui a accordé une interview à radio Scoop.


****


Maurice Vincent a réagi dès hier sur son compte Twitter en soulignant « qu'il s'agit de propos gratuits et lamentables, incompatibles avec les valeurs portées par le sport. Ces joueurs étant des professionnels fortement médiatisés, ils doivent être sanctionnés. Chacun doit avoir à cœur de favoriser un climat de respect et de convivialité dans et autour des terrains de football, en pensant à l'exemple donné chaque semaine à des milliers de jeunes pratiquants, aux entraîneurs et aux bénévoles qui les encadrent ».

Gaël Perdriau, président du groupe d'opposition, a adressé une lettre à Maurice Vincent, sénateur-maire de Saint-Etienne pour « qu'il exige des excuses publiques de la part de Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon, et qu'il appuie les démarches de l'ASSE auprès des instances dirigeantes du football français". Dans cette lettre on peut lire: "Mes collègues et moi-même avons été particulièrement choqués, et attristés de découvrir ces images montrant des joueurs de l'Olympique lyonnais entonnant un chant insultant à l'égard des Stéphanois et de l'ASSE. Une situation d'autant plus inacceptable qu'elle s'est déroulée à l'Hôtel de Ville de lyon, en présence des plus hautes autorités, qui semblent minimiser, voire cautionner ces débordements verbaux. Dois-je vous rappeler, que Raymond Barre, confronté à un problème comparable, n'hésita pas à présenter des excuses à son homologue stéphanois... ».


Gilles Artigues, vice-président du conseil général de la Loire chargé de la jeunesse se dit « choqué par le dérapage des joueurs de l'Olympique lyonnais qui se sont laissés aller à entonner des chants anti-stéphanois à la fois bêtes et méchants.(...) Des professionnels de ce niveau ont un devoir d'exemplarité. Cette querelle entre Lyon et Saint Etienne n'a pas de sens et n'a que trop durer. L'entretenir de cette manière est stupide. La réaction des dirigeants lyonnais est également fort choquante tant on sent ironiques et insincères leurs excuses.(…) Quant à la comparaison avec les politiques qui s'invectiveraient de manière bien plus "fréquente et vive", il s'agit d'une attaque gratuite envers des élus que ces mêmes dirigeants sont bien contents de trouver quand il s'agit de solliciter les collectivités pour financer le fonctionnement des clubs ou l'investissement des installations dans lesquelles ils évoluent. Je souhaite que le conseil national de l'éthique, saisi de ces actes par la Fédération Française de football, propose de sévères sanctions pour ces violences verbales que la liesse de la victoire ne saurait excuser. J'assure Bernard Caïazzo et l'ASSE de tout mon soutien dans cette triste affaire qu'il convient de ne pas banaliser."

Pour le député de la Loire François Rochebloine: « La vidéo mise en ligne par des supporters lyonnais, mettant en scène des joueurs de l'Olympique Lyonnais chantant aux balcons de l'Hôtel de ville de Lyon pour provoquer les stéphanois, est réellement scandaleuse. Quel comportement lamentable de la part de jeunes sportifs dont on attendrait un minimum d'exemplarité. Voilà où commence la violence dans les stades ! Ne nous étonnons pas que les choses puissent déraper ensuite. A n'en pas douter ce type de provocation ne peut qu'être dénoncé et sanctionné par les responsables du club et les autorités du football Français qui s'efforcent de développer sur nos terrains et dans les tribunes une pratique du fair-play ».

Quant à Paul Salen, premier vice-président du Conseil général de la Loire en charge des sports et député de la Loire, il a adressé directement une lettre à Jean-Michel Aulas. Il met directement en cause le président de l'OL: « Les "chants" entonnés, au balcon de l'Hôtel de ville, par certains de vos joueurs sont profondément choquants et ne peuvent pas être minimisés. Toute une ville, Saint-Etienne, toute la Loire et tous les amateurs de football se sentent insultés par cette attitude anti-sportive. Il me semble que le premier devoir d'un dirigeant d'un club sportif professionnel est de maintenir un climat apaisé autour des manifestations sportives, en minimisant ces dérives vous manquez à votre mission ».

A vos marques. Prêts. Partez !!

Illustration : Le fameux pays de la chanson !